noms et notations des polyèdres

On a compris qu'il existe des infinités de polyèdres ; il est donc illusoire de vouloir les nommer tous.... On a cependant depuis longtemps donné des noms, parfois compliqués, mais toujours en fonction d'une certaine logique, aux plus connus d'entre eux et à certains types et certaines familles de polyèdres présentant des propriétés intéressantes.

La première idée consista à nommer un polyèdre en fonction de son nombre de faces en utilisant la racine grecque -èdre (siège, base) avec un préfixe numérique :
4     tétra
5     penta
6     hexa
7     hepta
8     octa
9     ennéa
10     déca
11     hendéca
12     dodéca
14     tétrakaïdéca
20     ico
24     icotétra
30     triaconta
60     hexaconta
100    hecato
On y ajoute un adjectif pour :
•  préciser la forme des faces : le cube est l'hexaèdre régulier, les faces du dodécaèdre rhombique sont des losanges . . .
•  identifier un polyèdre dans une série : prisme pentagonal . . .
•  indiquer comment obtient un polyèdre à partir d'un polyèdre plus élémentaire : cube tronqué, snub dodécaèdre, octaèdre étoilé . . .
Attention ! étoilé est parfois improprement utilisé pour indiquer que l'on a augmenté le polyèdre avec des pyramides sur toutes ses faces.
Les faces en forme de "cerf-volant" sont qualifiées de trapézoïdales ou deltoïdales.

Le préfixe rhombi  indique que les plans de 12 (resp. 30) faces carrées sont ceux d'un dodécaèdre rhombique (resp. triacontaèdre rhombique) : quatre polyèdres archimédiens, le petit rhombihexaèdre . . .
Pas de règle pour l'usage de anti  : antiprismes, anticube . . .
hémi  est utilisé pour indiquer que des faces passent par le centre : cubohémioctaèdre, dodécahémioctaèdre rhombique . . .

L'opérateur snub introduit des "anneaux" de nouvelles faces autour des faces existantes : deux triangles par arête, et un n-gone par n-sommet ; ainsi le snub cube est aussi le snub octaèdre. On tourne d'un même angle et dans le même sens chaque face du polyèdre "éclaté", ce qui conduit à deux polyèdres énantiomorphes (images dans un miroir) selon le sens des rotations.
L'opérateur n-kis introduit un nouveau sommet sur l'axe de chaque n-face, et donc n triangles (en fait on augmente chaque n-face avec une n-pyramide) ; ainsi le tétrakis-cube a 6x4=24 faces triangulaires, donc est un icositétraèdre.

Un polyèdre composé  est la réunion de plusieurs polyèdres, identiques où apparentés, disposés de manière à conserver une symétrie polyédrale : l'anticube est composé de deux tétraèdres réguliers, mon préféré est le composé de cinq tétraèdres réguliers.

Quelques noms font référence au découvreur : polyèdre de lord Kelvin (octaèdre tronqué) ou de Romé de l'Isle(triacontaèdre rhombique), étoile de Kepler (octaèdre étoilé), hérisson de Kepler (grand dodécaèdre étoilé), étoile de Poinsot (grand dodécaèdre) . . .

Les noms des polyèdres de Johnson et des polyèdres uniformes utilisent un vocabulaire encore plus varié : (gyro)allongé, (tri)augmenté, para/métabiaugmenté, gyro/orthocoupole ou rotonde ...
Les cristallographes utilisent un vocabulaire différent pour certaines formes de cristaux.

les symboles de Schläfli et Wythoff

Les symboles de Schläfli du type {p,q} permettent de décrire les polyèdres réguliers : q p-gones autour de chaque sommet.
   exemples : {4,3} désigne le cube et {5/2,5} le petit dodécaèdre étoilé.
Pour les archimédiens et les uniformes on a recours à des lettres désignant des transformation : t pour tronqué, s pour snub . . .
   exemples : t{3,4} désigne l'octaèdre tronqué et s{5,3} le snub dodécaèdre.

Plus complexes, les symboles de Wythoff sont utilisés pour décrire les polyèdres uniformes. A un triangle sphérique défini par projection centrale d'une face sur une sphère centrée au point de concours des axes de symétrie on associe un kaléidoscope polyédral (trois miroirs formant un trièdre). Les sommets du polyèdre sont les images par le kaléidoscope d'un point particulier P du triangle sphérique d'angles π/p, π/q et π/r (p, q et r rationnels) ; le symbole dépend alors de P :  |pqr,  p|qr,  pq|r  ou  pqr|.
   exemples :  5 | 2 3  désigne l'icosaèdre régulier,  2 5 | 3  l'icosaèdre tronqué,  | 2 3 4  le snub cube,  4/3 3 4 |  le cubohémioctaèdre  et  2 | 5/2 5  le dodécadodécaèdre.

la notation de Du Val

Utilisée pour décrire les stellations d'un polyèdre, elle permet de classer les cellules définies par les plans des faces et de préciser lesquelles sont utilisées pour une stellation donnée.

la notation de John Conway

John Conway a imaginé une astucieuse notation, simple et efficace, qui permet non seulement de décrire de nombreux polyèdres, mais qui est aussi un outil pour en concevoir de nouveaux. Au départ on choisit un polyèdre élémentaire désigné par un lettre majuscule ; chaque transformation à effectuer est indiquée par une lettre minuscule qui précède la notation de l'étape précédente.

Comme polyèdre de départ on peut choisir l'un des cinq polyèdres réguliers T, C, O, D ou I, un prisme régulier Pn, un antiprisme régulier An ou une pyramide régulière Yn (avec n ≥ 3 pour le n-gone de base). Remarquons que P4=C, A3=O et Y3=T.
John Conway a défini onze opérateurs, et George W. Hart en a ajouté trois (les trois derniers) :

d passage au dual (chaque face devient un sommet et chaque sommet devient une face) : ddX=X
t ou tn truncate est la troncature de tous les sommets : les ordres des faces sont doublés, en chaque n-sommet une n-face est créée
tn est la troncature réduite aux n-sommets     exemples : t5dA5=D, tnYn=Pn (pour n>3)
a ambo est la troncature par les milieux des arêtes : le milieu de chaque arête devient un sommet d'ordre 4   aX=adX
exemples : aC=aO est le cuboctaèdre, aI=aD est l'icosidodécaèdre, aT=O, aYn=An
k ou kn kis  crée un nouveau sommet sur l'axe de chaque face et remplace chaque x-face par x triangles
kis et truncate sont conjugués par dualité : kX=dtdX    exemple : kC est le kiscube ou tétrakis-hexaèdre
j join (dual de ambo : jX=daX)  crée une 4-face à la place de chaque arête (c'est k avec les triangles coplanaires par paires)
exemples : jC=jO est le dodécaèdre rhombique, jD=jI est le triacontaèdre rhombique, jT=C
e expand  "éclate" le polyèdre : création d'un rectangle en chaque arête et d'une n-face en chaque n-sommet
eX=aaX et eX=edX   exemples : eC=eO est le petit rhombicuboctaèdre, eI=eD est le petit rhombicosidodécaèdre
s snub crée des "anneaux" de faces autour des faces existantes : deux triangles par arête, et un n-gone pour chaque n-sommet.
Tous les sommets de sX sont d'ordre 5.   sX=sdX n'a pas de plan de symétrie.   sT=I
g gyro est dual de snub : gX=dsdX=dsX n'a pas de plan de symétrie et toutes ses faces sont pentagonales
g peut être apparenté à k, mais une nouvelle arête est connectée au tiers d'une arête existante (déformée en Z)
exemple : le gyrododécaèdre gD=gI est l'hexécontaèdre pentagonal, gT=D
b bevel  est défini par  bX=taX =bdX    exemple : bD est le grand rhombicosidodécaèdre
o ortho est dual de expand  : oX=dedX=deX=jjX    exemple : oD est l'hexécontaèdre deltoïdal
o peut être apparenté à k, mais une nouvelle arête est connectée au milieu d'une arête (déformée en V)
m méta est dual de bevel  : mX=dbdX=dbX=jkX et mX=mdX
m apparaît comme une combinaison de k et o (avec les deux types de nouvelles arêtes)
r (Hart) reflect  (image dans un miroir) échange les formes énantiomorphes d'un polyèdre chiral
p (Hart) propellor  crée n quadrilatères autour de chaque n-face    exemple : pT est l'icosaèdre étoilé tétraédriquement
p est auto-dual  pX=dpdX et pdX=dpX, et il commute avec a (pa=ap), j et e
c (Hart) canonic  transforme un polyèdre convexe en sa forme canonique

Seuls s et g réduisent le groupe de symétries du polyèdre qu'ils transforment (les plans de symétrie disparaissent).
Notons aussi que cette notation ne fournit que la topologie du polyèdre, pas sa géométrie.

Voici des exemples de "jolis" polyèdres créés en utilisant la notation de Conway et un programme de Hart pour une réalisation géométrique convenable.
L'algorithme de George W. Hart permet aujourd'hui de générer aisément des polyèdres de plusieurs milliers de faces en quelques douzaines de secondes ; malheureusement seule une vieille version 4.8 de Netscape avec un plug-in VRML affiche le fichier VRML créé (le plaisir de créer rapidement des polyèdres extraordinaires vaut largement la peine d'installer ce vieux navigateur).
Polyhedronisme est une nouvelle version améliorée et complétée en 2019 par Anselm Levskaya.


stI=dgkD (272 faces) et son dual (180 faces)

sdk5sI=dgk5dgD (632 faces) et son dual (420 faces)

deux ennéacontaèdres (90 faces, 92 sommets, 180 arêtes)
jtI=jkD=dakD  et  jtD=jkI=dakI
eptI=aapdkD
(902 faces, 900 sommets, 1800 arêtes)

références : •  les oeuvres de Kepler, Catalan ..., les deux livres de Magnus J. Wenninger : Polyhedron Models (pages 4-10) et Dual Models
•  des pages du site Virtual Polyhedra : générateur de polyèdres (notation de Conway) et sculptures de George W. Hart (en anglais)
•  Naming polygons and polyhedra  par John Conway (en anglais)
•  Visualization of Conway Polyhedron Notation  par Hidetoshi Nonaka (en anglais)
•  un applet Java de Bob Allanson pour visualiser quelques transformations classiques
•  polyhedronisme : programme avec un ensemble d'opérateurs de Conway pour créer des polyèdres complété par Anselm Levskaya en 2019 (en anglais)


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polyèdres convexes - polyèdres non convexes - polyèdres intéressants - sujets connexes mars 2005
mis à jour 22-04-2024